Retour aux actualités
Article suivant
Article précédent

IFM Alumni USA - Portrait Gallery - Tara Chouchana

Portraits

-

21/06/2020

Chers alumni,


Nous sommes heureux de partager avec vous notre dernier portrait de  Tara Chouchana, responsable du développement et de la production des produits de la marque de maillots de bain Solid & Striped. Tara a déménagé de Paris à New York en 2018 après avoir travaillé au sein des équipes de production de  différentes marques telles que Chanel, Maje et La Halle. Tara a obtenu son Master de l'IFM en 2015 et souhaitait d'élargir sa carrière et d'acquérir une expérience  aux États-Unis. Au moment où la ville réouvre doucement , Tara se prépare à pouvoir de nouveau parcourir  les différents quartiers de New York et elle  se prépare à gérer les incertitudes avec l'expérience de ces mois complexes de pandémie. 


1/ Bonjour Tara, 18 mois après votre arrivée à New York, vous devez faire face à une crise sans précédent, comment avez vous vécu cette situation sur le plan professionnel et personnel base personnelle et professionnelle?


La pandémie de COVID-19 a eu un impact certain sur mes plans pour 2020! J'ai déménagé à New York il y a un an et demi et j'ai l'impression que je n'ai vu que la partie émergée de l'iceberg - il me reste encore 90% de la ville à explorer.


Le printemps et l'été sont mes saisons préférées à New York. J'avais hâte de voir les beaux jours arriver pour flâner le long de l’Hudson River, m’arrêter au restaurant “The Frying Pan” amarré au Pier 66 et y admirer le coucher de soleil derrière le New Jersey. L'été, c'est aussi la saison où l’on peut découvrir New York vu d'en haut grâce à tous ses rooftops qui foisonnent en haut des buildings, boissons glacés et cocktails à la clé. Après avoir couvert Manhattan de Harlem à Chinatown, j'ai décidé d’arpenter les multiples facettes de Brooklyn. Dès lors, monter dans le train A ou C depuis Midtown est devenu mon rituel du week-end, et quand cette ligne de métro est devenue trop familière, je suis passée à la ligne Q pour aller goûter à la douce nostalgie de Coney Island. Tout cela pour dire que l’animation et la scène culturelle de New York me manquent, mais ce n’est que partie remise!


Comme New York n'est qu'à quelques heures de vol de Paris, beaucoup de mes amis avaient prévu de venir me rendre visite au cours de ces derniers mois. A la place, nous faisons des appels vidéo et planifions nos prochaines escapades post COVID-19. Je n’ai pas pu sortir des États-Unis à cause de mon processus de visa, et j’avais donc mis en pause tout projet de rendre visite à mes amis et à ma famille en France. J'ai finalement reçu mon autorisation de voyage le mois dernier, mais maintenant les frontières sont fermées pratiquement partout dans le monde, donc j'attends patiemment (et avec enthousiasme) que les interdictions de voyager soient levées - j'ai déjà attendu un an, que sont quelques mois de plus?


Je pense que ce qui est le plus difficile à gérer, c'est l'état d'incertitude dans lequel se trouve le monde entier. Il est difficile de faire des plans, à la fois personnels et professionnels, car on a l’impression que tout peut changer d’un jour à l’autre. Je gère le développement et la production de vêtements pour une marque de maillots de bain et de prêt-à-porter basée à New York.  Mon travail a été pratiquement suspendu mi-mars, car nos usines à l'étranger ont progressivement fermé et la plupart de nos commandes wholesale a été annulée. Il nous a fallu trouver un moyen de continuer à avancer, et j'ai donc commencé à mettre en place différents scénarios pour pouvoir traverser l'incertitude, semaine après semaine, malgré le manque d'informations. Je pense que rester agile et flexible est crucial dans ce type de situation.


Mon entreprise a été durement touchée car, en plus de perdre ses revenus provenant du wholesale, nous avions ouvert notre première boutique à Manhattan une semaine seulement avant le début du confinement et la fermeture des commerces non-essentiels. Tous les efforts et l'énergie que notre équipe avait consacrés à la mise en place du magasin au cours des derniers mois ont tout à coup été réduit à néant. Nous avons dû revoir nos commandes, retarder le lancement de notre nouvelle collection, et c'était douloureux. Mais quelques semaines plus tard, les ventes en ligne ont décollé. La succession rapide des saisons empêche parfois les produits de trouver leur public, car ils sont rapidement remplacés par d’autres produits plus récents. En fin de compte, la pandémie nous a en quelque sorte donné l'occasion de ralentir, de réévaluer nos besoins réels et de prendre le temps de travailler et de consommer différemment. 


Un grand nombre d’acteurs importants a commencé à se rendre le compte de la nécessité d’un changement, et des initiatives fleurissent dans le monde entier, comme rewiringfashion.org, menée par un groupe de designers, de cadres et de retailers indépendants. J’ai hâte de découvrir comment l’industrie de la mode peut se réinventer et comment nous pouvons y contribuer.


2/ Avant cet épisode COVID19, comment décririez-vous votre expérience professionnelle aux USA par rapport à ce que vous avez expérimenté en France?

Je m'attendais à un grand changement, surtout parce que je suis passé de travailler pour l'une des entreprises de luxe les plus établies au monde, avec des centaines d'employés à travers différents pays, à une marque newyorkaise créé il y a seulement 8 ans et dotée d'une équipe d’un vingtaine de personnes.


La première différence que j'ai remarquée est que travailler à New York est différent de travailler dans d'autres villes américaines ou d'autres villes du monde d'ailleurs. Cette ville ne dort jamais, et les travailleurs ne semblent pas non plus dormir beaucoup. Blague à part, la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle est presque inexistante pour beaucoup de gens que je connais ici, et le droit à la déconnexion semble être un concept étranger (et il est vrai que ce pourrait être un concept particulièrement français).


À New York, non seulement mes collègues renoncent à leur pause déjeuner pour manger devant leur ordinateur, mais la plupart d'entre eux choisissent également de se faire livrer leur repas au lieu de sortir l’acheter pour prendre l'air. L’heure du déjeuner à mon bureau ressemble donc à un ballet de livreurs déposant des sacs en plastique et en papier à la réception.


Mis à part cet écart culturel, les objectifs et les défis semblent être les mêmes pour les entreprises de mode en France, aux États-Unis et dans le monde: croissance, durabilité, chaîne d'approvisionnement, communication avec les clients via les réseaux sociaux et la publicité sont quelques exemples parmi d’autres. Travailler au sein d'une plus petite structure me permet d'être plus polyvalente et de collaborer étroitement avec les équipes Ventes, E-commerce et Marketing. Les séances de brainstorming sur les collaborations avec de nouvelles marques ou la communications sur les réseaux sociaux se font souvent à l'échelle de l'entreprise, et j'aime le fait que tous les employés soient inclus dans ces discussions, et pas uniquement les équipes qui sont en charge de ces projets.


Même si mon travail ici est à bien des égards similaire à mon précédent travail à Paris, ma journée de travail est organisée un peu différemment. Elle commence généralement plus tôt car je suis en charge de la relation avec nos fournisseurs européens, asiatiques et marocains et le décalage horaire signifie que je ne peux communiquer avec eux en direct que le matin. Alors que mon flux de travail était plus régulièrement réparti tout au long de la journée, il est maintenant souvent très occupé jusqu'au milieu de l'après-midi et plus calme après cela.


J'ai pu mettre à profit les compétences que j'avais développées en France pour progresser dans ma carrière aux États-Unis. J'y ai apporté un ensemble de méthodes de travail et de process qui se sont révélés extrêmement utiles dans cet environnement au rythme rapide, et qui m'ont permis de gérer rapidement mon poste et d'assumer des responsabilités supplémentaires. Dans l'ensemble, mon expérience précédente a été un tremplin pour mon poste actuel aux Etats-Unis.


3 / L’IFM et sa communauté ont-ils été une ressource pour vous à différents moments?

L’IFM a été une passerelle entre mes études en finance et ma carrière dans l'industrie de la mode. Les professeurs qui ont coordonné le programme, leurs collaborateurs, les cours que j'ai suivis et les projets sur lesquels j'ai travaillé ont tous été clés pour mon développement et de ma croissance. J'y ai également rencontré des personnes qui sont aujourd’hui parmi mes amis les plus proches.


Déménager à New York m'a donné une excellente occasion de renouer avec le réseau IFM Alumni et j'ai assisté à des événements organisés par l'Association. Grâce à ces événements, j'ai pu rencontrer des pairs que j’admire. Avec l’Association des Alumni de New York, j’ai contribué à l’organisation d’un événement spécial en mars, que nous avons malheureusement mais nécessairement dû annuler à cause du Coronavirus. J'espère que nous pourrons bientôt nous réunir pour faire de nouveaux projets !


4 / Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre expérience du programme de mentorat IFM?

C’est une belle initiative! Je suis reconnaissante à Patricia de m'avoir mise en contact avec Teresa. Le premier lien que j'ai eu avec IFM a été par le biais d'une amie d'ami, à qui j'ai été présentée lorsque j'ai commencé à postuler à des écoles de mode. Elle était dans le programme de Management et j'avais beaucoup de questions sur le cours et les perspectives de carrière. Après avoir obtenu mon diplôme, nous nous sommes régulièrement retrouvées pour partager des histoires de boulot et échanger des idées. J'ai apprécié ces moments - rétrospectivement, il s’agissait en quelque sorte de sessions informelles de mentorat.


Je suis contente que l'IFM Alumni ait lancé un programme de mentorat car je sais à quel point cela peut être précieux, en particulier dans ce climat d'ambiguïté. Pour la plupart des étudiants, terminer ses études est synonyme de grandes opportunités, mais cela peut aussi être une source de stress. Cela signifie qu'ils doivent quitter le cocon de l’IFM pour plonger dans le monde compétitif de la mode et du luxe. J'espère que je pourrai être utile à Teresa et aux futurs diplômés IFM et les aider à naviguer dans la vie post-IFM!


5/ Comment la situation sociale et les évènements récents de BlackLivesMatter impactent votre vie professionnelle ?


Les crimes et les atrocités dont le monde a été témoin ces dernières semaines ont de nouveau mis en lumière le racisme et l'injustice qui existent dans notre système. Nos sociétés, nos institutions, notre économie se sont bâties à travers le prisme d’hommes blancs. L’industrie de la mode n'y échappe pas et les minorités y sont encore peu représentées, que ce soit au sein des entreprises ou dans les campagnes de pub d’un grand nombre de marques populaires. Aujourd’hui, beaucoup d’entre elles se sont engagées à faire des donations à des associations défendant les droits des minorités (NAACP, ACLU, BLM, Color of Change), à réformer leurs politiques de recrutement pour les rendre plus inclusives, à utiliser leur plateforme pour participer à la lutte contre le racisme et la discrimination – en un mot, à faire mieux.


Encouragés par le mouvement Black Lives Matter aux États-Unis, beaucoup font entendre leur voix sur les réseaux sociaux et racontent les expériences de discrimination qu’ils ont vécues afin de dénoncer et de nous faire prendre conscience des injustices subies au quotidien. Comme l’activiste Angela Davis l’a dit: « Dans une société raciste, il n’est pas suffisant de ne pas être raciste, nous devons être anti-raciste ». Notre devoir est donc d’écouter, de nous éduquer, d’ouvrir les yeux sur le privilège blanc, à l’échelle individuelle et à l’échelle de nos entreprises, afin de contribuer à la lutte contre le racisme.

...

La deuxième phase de réouverture vient de commencer à New York et la ville commence à se sentir à nouveau vivante, même si la plupart des entreprises ont décidé de ne pas rouvrir leurs bureaux avant la fin de l'été ou le début de l'automne. Des États comme la Floride et le Texas qui ont rouvert plus tôt voient le nombre de cas augmenter, ce qui amène les entreprises à réfléchir à la préparation d'une deuxième vague à l'automne. 

Les New-Yorkais recommencent à se retrouver et à travailler sur de nouveaux projets. Les manifestations de Black Lives Matter se sont ralenties, mais elles sont toujours au premier plan des préoccupations de nombreuses entreprises qui s'efforcent de mettre en œuvre de nouvelles initiatives pour lutter contre le racisme systémique. Sephora US vient de signer un engagement qui promet que 15 % de ses rayons comprendront des produits provenant d'entreprises appartenant ou ayant été créées par des personnes Noires. Et le CFDA a récemment lancé quelques initiatives de collecte de fonds pour les talents Noirs indépendants et les organisations de justice sociale. 

La période actuelle, à l'approche d'une élection, est chargée d'émotion pour les États-Unis, mais la plupart des Américains sont optimistes pour l'avenir. 

Caroline Tibbetts

J'aime
4832 vues Visites
Partager sur

Commentaires0

Veuillez vous connecter pour lire ou ajouter un commentaire

Articles suggérés

Portraits

L’IFM attaque ! 4 Alumni à la 37e édition du Festival de Hyères

photo de profil d'un membre

Laure TARNEAUD

13 octobre

1

Portraits

Portrait & Interview - Pascal Gautrand - Made in Town - Club Sustainability & Fashion

photo de profil d'un membre

Olivia CHAMMAS

25 février

1

Portraits

Interview - Frédéric Walter

photo de profil d'un membre

Béatrice FERRIE

12 décembre