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Portrait & Interview - Pascal Gautrand - Made in Town - Club Sustainability & Fashion

Portraits

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25/02/2021

Dans le cadre de la série 2021 des Portraits et Interviews du groupe Sustainability & Fashion, Olivia Chammas ( IFM Management 2015 ) est allée à la rencontre de Pascal Gautrand ( IFM Management 1999) pour évoquer tout à la fois son parcours, ses projets et ses liens avec l'IFM

A découvrir : Les activités qui nous inspirent de  Pascal Gautrand avec Made in Town et le profil de découvreuse engagée d'Olivia Chammas

 
1 Cher Pascal, Dites nous, comment avez-vous commencé à vous intéresser au développement durable, et à votre responsabilité sociétale et environnementale ?

Ma formation première, avant de suivre le cycle de management à l'IFM en 1999, portait à la fois sur le design de mode et sur le design textile. Attiré par le milieu de la mode, j'ai rapidement compris que mon intérêt pour le secteur ne résidait pas tant dans le développement de produits, mais plutôt dans l'invention de nouvelles chaînes de fabrication qui puissent apporter au produit des valeurs qui ne se cantonnent pas à l'esthétique ou au design. Ainsi l'objet de mon diplôme de designer textile à l'ESAAT de Roubaix, portait tout particulièrement sur l'expérimentation de règles de production permettant de produire des pièces uniques en série.

Cela permettait à la fois de contourner la très forte standardisation imposée par la production industrielle (aujourd'hui on appelle cela la personnalisation) et étudiait également le concept émergeant d'up-cycling en s'appuyant sur le recyclage de vêtements existants ou de restes de textiles issus des ateliers de coupe en matelas.

2 Comment avez-vous coordonné vos priorités RSE avec vos pratiques et habitudes professionnelles ?

De 2000 à 2003, j'ai commercialisé au Bon Marché, à la Samaritaine et dans quelques points de ventes japonais, des collections de vêtements issus de la transformation de T-shirts et de chemises vintage sous la marque Label XVI. En 2008 j'ai obtenu une année de résidence à la Villa Médicis à Rome qui m'a permis de me concentrer sur la notion de fabrication locale. A cette époque, je souhaitais démontrer que la fabrication, ses lieux, ses acteurs, ses savoir-faire, conditionnaient les produits de mode que l'on consomme. Pas nécessairement d'un point de vue esthétique ou stylistique, mais plutôt du point de vue éthique, culturel, patrimonial, politique... J'ai notamment proposé à une trentaine de tailleurs de chemises sur-mesure à Rome de "copier" une chemise Zara, archétype de la production industrielle, standardisée et globalisée. Cette expérimentation visait à démontrer à quel point un produit aussi classique et intemporel qu'une chemise pour homme rayée peut se décliner en fonction de "la main" de chaque tailleur, de sa manière de faire, de son expérience ou de ses préférences personnelles, offrant une multitude de variations d'une pièce à l'autre, toutes caractéristiques de l'approche artisanale et locale. L'année suivante, j'ai donc créé Made in Town, mon agence de conseil, afin d'appliquer le fruit de mes recherches au milieu de la mode et du textile en accompagnant des salons professionnels comme ceux organisés par le groupe Première Vision, des groupements professionnels cherchant à valoriser les spécificités de leurs métiers ou des collectivités territoriales souhaitant mettre en lumière les entreprises et les savoir-faire présents sur leur périmètre.

3 Cette période de crise sanitaire, a été pour beaucoup une période d’introspection, quelles activités/habitudes pensez-vous changer et/ou poursuivre ?

Depuis 2018, initialement avec le soutien de Première Vision, mon activité est tout particulièrement tournée vers la recherche de solutions pour la filière lainière française. Chaque année, ce sont plus de 14 000 tonnes de laines qui sont tondues en France et la plus grande part, ces dernières décennies, n'est plus valorisée localement. Ce constat entraîne d'une part une perte économique pour les éleveurs d'ovins depuis que le coût de la tonte dépasse largement la valeur de la laine de chaque mouton et la quasi disparition des savoir-faire de transformation spécifiques à cette filière comme le lavage, le peignage ou la filature. Lorsque l'annonce du premier confinement est tombée en mars 2020, avec Paris Good Fashion et Deloitte Développement Durable, nous étions sur le point de recruter des membres fondateurs afin de financer la constitution du Collectif Tricolor, une association interprofessionnelle non-profit qui renoue le dialogue entre les mondes de l'élevage, de l'industrie lainière et de la distribution. Malgré les difficultés que traversent nos secteurs d'activité, nous avons tout de suite remarqué à quel point cette crise permet d'accroître la sensibilité et l'engagement de nombreux acteurs afin d'inventer de nouveaux modèles, plus vertueux, plus éco-responsables, favorisant le bon sens et la proximité. Grâce à l'énergie et à l'engagement de 35 membres, fédérations professionnelles, institutions et entreprises privées, le 25 novembre 2020, au Mobilier National, nous avons organisé le lancement officiel du Collectif Tricolor afin d'offrir un outil de dialogue et d'action à l'ensemble de la filière lainière française.

4 Dans le cadre de l’IFM, avec les alumni impliqués en faveur du développement durable, est-ce que vous auriez des idées ou projets pour fédérer cette communauté de plus en plus engagée ? 

Il me semble que l'une des priorités est de créer plus de proximité entre l'amont et l'aval de nos filières. Permettre aux acteurs de sortir de leurs bulles, d'échanger sur leurs besoins, mettre en avant leurs spécificités. Apprendre le vocabulaire et connaître les enjeux de tous les acteurs, évoluer vers le développement de visions et de pratiques plus collectives est essentiel. Retrouver des logiques de filière qu'un courant d'individualisme avait effacé. L'hyper-professionnalisation nombriliste des entreprises et la délocalisation de l'industrie à l'autre bout de la planète ont introduit beaucoup de distance physique et culturelle entre les maillons de nos filières. C'est sans aucun doute l'un des rôles que l'IFM et ses alumni peuvent jouer : réintroduire de l'inter-connaissance et resserrer les liens entre les métiers.


Interview par Olivia Chammas (IFM Management 2015)

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