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IFM Alumni USA - Thomas Poli

Portraits

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15/05/2020

Chers alumni, 


Nous avons le plaisir de partager avec vous un nouveau portrait d'un Alumni membre du Club International de l'IFM Alumni, Thomas Poli, aujourd'hui Directeur du PAP Mansur Gavriel New York.


Interviewé pour le Pôle IFM Alumni NY par Marie Laurence de Chaunac, Thomas nous fait part de son expérience du lockdown et de sa vision de l'avenir.


Thomas Poli ( IFM Management 2010) est un ancien élève de l’IPAG Paris, titulaire d’un Master spécialisé en création et développement de PME, puis du Master Spécialisé de Management de l’Institut Français de la Mode. Thomas Poli a travaillé depuis au sein de différentes structures. 


Après ses débuts au département développement et production de la marque Damir Doma, Thomas Poli a rejoint le pôle Prêt-à-Porter homme de la maison Lanvin. 


Il a ensuite intègré la société Lacoste dans sa division développement produit et merchandising Prêt-à-Porter masculin. 


Il part en 2016 à New York auprès de la jeune maison de maroquinerie Mansur Gavriel. Là, il met en place l’activité Prêt-à-Porter, qu’il dirige aujourd’hui. 




1/ Thomas, comment votre vie quotidienne a-t-elle évolué depuis le début de cette situation sans précédent ? Comment adaptez-vous votre façon de travailler ? 



Il m'a fallu deux bonnes semaines pour vraiment m'adapter aux nouvelles habitudes et perdre les anciennes. Avant, j’etais beaucoup plus productif le matin, maintenant c'est l'après-midi. Désormais, le matin, je prends plus de temps pour moi avant le déjeuner, pour prendre des nouvelles de tout le monde et travailler sur des projets parallèles. Bien sûr, le travail et le temps personnel ont fusionné plus que je ne le souhaiterais. J'utilise davantage de SMS, de courriels et d'appels Zoom sur mon téléphone par exemple.



Au cours du premier mois, nous avons consacré beaucoup de temps à suivre la propagation du virus et à comprendre la situation. Vivant aux États-Unis, nous avons d’autant plus pris conscience de la protection sociale qu’offre la France et que nous tenons souvent pour acquise. C’est incroyable de voir à quel point la situation s'est détériorée ici et combien d'entreprises ont  géré la situation en se souciant si peu de la santé ou des ressources de leurs employés. Il est permis à New York de licencier quelqu'un sur simple appel téléphonique pour économiser immédiatement sur la masse salariale et augmenter la trésorerie de l'entreprise. Aux États-Unis, l'assurance maladie est souvent fournie par l'employeur. La perte d'emploi a laissé des millions d'Américains sans couverture santé pendant cette pandémie. Heureusement, certaines entreprises plus conscientes (Airbnb par exemple) se sont vraiment distinguées en offrant plus de 14 semaines de salaire aux employés licenciés, une année complète de couverture santé, la conservation de leur MacBook ainsi que quelques mois de soutien psychologique. 



Dans mon entreprise actuelle, je travaille avec plusieurs anciens de l'IFM, Stan Mankowski, Camille Oger, Paola Allocco, Manon Leroux et Gabrielle Moussafir et nous nous considérons comme une famille. Depuis le premier jour de confinement, nous avons formé un groupe de communication pour prendre soin les uns des autres, en restant en contact avec toute personne touchée par la COVID-19. Nous avons aussi immédiatement mis en place notre apéro FaceTime du vendredi soir, le temps de boire un verre pour se détendre et déguster des vins français ! Des rituels qui nous aident beaucoup à nous soutenir les uns les autres et à rester en contact.

Depuis de nombreuses années, le secteur des start-ups technologiques,  de la côte ouest des États-Unis, propose le télétravail ainsi que d'autres avantages tels que des vacances illimitées et la possibilité de travailler depuis différents fuseaux horaires.  D'autres industries plus traditionnelles ont vu cette évolution d'un œil sceptique, mais elles sont maintenant forcées d'adopter cette nouvelle norme. Et souvent elles se réjouissent de son efficacité. Nous avons maintenant constaté que dans le domaine de la mode aussi, nous n'avons pas besoin d'être présents au bureau du lundi au vendredi, de 9h à 17h. Je pense que la flexibilité du travail à distance permettra peut-être une efficacité plus grande, une implication encore plus forte et va s’imposer comme une nouvelle normalité.



2/ Avant COVID19, diriez-vous que vous viviez votre rêve américain ?



À bien des égards, oui. Certains lieux communs sur les Etats-Unis et New York sont vrais, il y a une certaine ambiance et des différences dans l'approche du travail. Autant le fait de travailler à New York m'a aidé à comprendre que mes expériences en France étaient extrêmement précieuses, autant la possibilité d’évoluer rapidement ici est fascinante. Les choses vont plus vite. Mon mari Henri Zirpolo (ancien élève de l'Ecole de la Chambre Syndicale) et moi-même avons connu  un avancement rapide de notre carrière et de nos responsabilités depuis notre arrivée ici. En ce sens, nous vivons définitivement le rêve américain. 

D’autant plus que mon travail nécessitant de constants voyages en Europe, j'ai pu trouver un bon équilibre et rentrer voir souvent mes amis et ma famille. Maintenant, bien sûr, nous passons tous à FaceTime. 



3/ Diriez-vous que l'IFM vous a aidé à développer votre talent et à choisir la bonne voie pour atteindre vos objectifs ? Et quel serait votre meilleur conseil aux jeunes étudiants et aux anciens élèves dans ces moments difficiles ?



Je suis ici et je fais ce que je fais aujourd'hui grâce à l'IFM. En plus de mon expérience extraordinaire à l'école et de la qualité des cours, la plupart de mes amis les plus proches aujourd'hui sont issus de mon cercle IFM. Depuis que j'ai obtenu mon diplôme, Laurence Jacquet m'a beaucoup aidé à saisir chacune des nouvelles opportunités. Elle m'a constamment apporté d'excellents conseils lorsque j'hésitais à prendre une décision. Je reviens à l'IFM et je participe aux jurys chaque fois que mon planning de voyage me le permet. C'est toujours un tel plaisir de voir toute l'équipe. J'ai choisi un étudiant de l'IFM pour un stage presque chaque année depuis que j'ai obtenu mon diplôme, et Laurence et Karine Piotraut  sont les premières a recevoir mes demandes quand nous avons besoin d'un nouveau talent. 



Cette période de crise est difficile mais aussi fascinante car rien de semblable ne s'est produit dans l'histoire moderne. Comme le dit Andrew Cuomo, notre gouverneur de New York : "Vous ne voulez pas reconstruire ce qui était, vous voulez reconstruire mieux qu'avant". Cette volonté de faire mieux est attendue de nous tous, en particulier des jeunes étudiants. Nous avons maintenant l'occasion de nous arrêter, d'observer, d'apprendre et d'agir. Gardez votre esprit et vos yeux ouverts, les opportunités ne seront probablement plus les mêmes qu'avant, mais elles existeront. 



4/ Pourriez-vous nous dire quelques mots de votre expérience du programme de mentorat de l'IFM Alumni?

Lancer  le programme et  le proposer justement en cette période de crise était une merveilleuse idée. Peut-être plus que toutes les autres promotions, les étudiants de cette année vont vivre des recherches de stages plus difficiles. Patricia Lefebvre Milon m'a adressé à un étudiant en fonction de ce qu'il recherchait avec ce programme et de mes domaines d'expertise. Nous avons maintenant un zoom hebdomadaire avec Vincent et j'apprécie vraiment nos discussions. Je veux croire que cela l'aidera à éviter de répéter certaines de mes erreurs et à trouver des raccourcis pour réussir. Une fois que les étudiants ont obtenu leur diplôme, ils peuvent chercher à avoir ce type de mentorat avec quelqu'un au travail - ce qui est formidable et peut être vraiment utile quand c'est possible. Mais j'aime encore plus cela en dehors du lieu de travail et au sein de la famille de l'IFM. Cela permet de partager des opinions et des points de vue directs et honnêtes.



5/ Comment voyez-vous l'évolution du commerce de détail et de la mode dans les prochains mois dans votre catégorie ?



Nous avons besoin de plus de temps et de plus de données pour pouvoir comprendre l'évolution du virus et ses répercussions économiques et sociales. Comme de plus en plus de pays "rouvrent" leurs portes, les deux prochaines semaines seront cruciales pour comprendre un peu mieux le virus estimer le nombre de vagues du virus auxquelles nous serons confrontés, le cas échéant. 

Plusieurs entreprises aux États-Unis ont déjà déposé leur bilan : J. Crew, Neiman Marcus, Bergdorf Goodman et John Varvatos, pour n'en citer que quelques-unes. Le paysage du commerce de détail et de la mode sera différent après la crise. 

La crise n'est pas encore terminée et elle est financièrement compliquée pour toutes les entreprises. Bien sûr,pour les petits labels indépendants, mais même pour ceux qui sont protégés par des investisseurs ou qui appartiennent à un groupe. Pour tous, la première priorité sera de survivre, de protéger la trésorerie et de s'assurer qu'ils feront toujours partie du paysage d'ici 2021.

J'ai entendu dire que certaines marques ont d’excellents resultats avec leur seul canal de vente en ligne, atteignant presque les résultats de l'année dernière sans aucune vente physique en magasin. Se concentrer sur l'e-commerce est un changement évident et nécessaire qui restera probablement en place pour les années à venir.


Beaucoup de marques repensent actuellement leurs prochaines collections. Tout d'abord, en réduisant leur offre car de nombreux clients wholesale ont annulé ou modifié radicalement leurs commandes, mais aussi parce que des usines du monde entier ont fermé pendant plusieurs mois et que le temps perdu ne peut être rattrapé.

Ensuite, j'entends beaucoup de marques s'orienter vers une garde-robe plus simple, un look plus essentiel et des choix plus sûrs pour les clients. Je comprends et je suis d'accord globalement. Cependant, une fois la crise passée et les collections sorties, je pense que les clients voudront encore exprimer un peu de joie et de liberté à travers leurs tenues pour oublier la morosité précédente.

Je pense également que le calendrier va ralentir. Moins de collections et de livraison , moins de périodes de remise et un retour à une véritable saisonnalité avec une mentalité de  “Buy now wear now”. Le cycle de fabrication actuel n'est pas durable, tout le monde le savait déjà. L'industrie en parle depuis des années et il fallait que quelque chose se passe pour forcer un changement.

L'industrie de la mode est un mauvais élève en terme d'empreinte carbone et de durabilité. Je crois que personne n'ignorait la nécessité de changer et que personne n'était directement opposé à l'idée d'aller vers plus de durabilité, mais les progrès ont été lents. Cette crise va accélérer les changements nécessaires pour atteindre la durabilité. Nous avons tous choisi ce monde  par passion il est maintenant temps de prendre conscience, et d’agir durablement.


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