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Durable & Bénéfique - Club Entrepreneurs

Information générale

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24/05/2020

Chers alumni, 

Le développement durable est un sujet régulièrement évoqué  dans le cadre de l'IFM Alumni. 

La crise actuelle donne un caractère d'urgence à la capacité des nos entreprises à aligner leur responsabilité sociale et environnementale avec leurs perspectives économiques.

Le Club Entrepreneur s'est réuni mercredi 6 avril dernier en session Zoom pour évoquer le sujet et rassembler les visions des participants.

Pour mieux situer notre réflexion, nous avons repris la récente chronologie des liens  qui unissent Mode et RSE depuis le début de notre siècle.




Les années 2000 ont changé nos habitudes de consommation et le marché de la mode pour toujours - l’ouverture en grand de nouveaux marchés, la quasi-disparition des barrières aux échanges internationaux notamment avec la Chine, l’arrivée d’internet et une amélioration considérable des moyens logistiques (permettant une baisse des coûts de transports) ont engendré un renouvellement fondamental de l’organisation du secteur textile. 

Le vêtement ne pèse pas grande chose, ne se dégrade pas sur le transport, n’est soumis à aucune réglementation stricte, et surtout sa mise en production n’exige en réalité ni investissements ni expertises énormes. Tout cela a permis un mouvement massif de délocalisation de la production. D’abord la Chine, puis le Pakistan et le Bangladesh, et rapidement tous les pays pauvres à la recherche d’activité économique exportable. Les prix de production se sont effondrés avec pour conséquence une déflation constante des prix du vêtement depuis des années.

Dans le même temps nous avons assité à un phénomène marketing majeur : la démocratisation de la mode. D’un côté des séries TV comme Sex and the City ont légitimé  le comportement de shopping à l’américaine. L’idée de s’offrir une paire de chaussures assez chère pour ne plus pouvoir payer son loyer a commencé à apparaître presque logique. 

Bienvenue au luxe accessible pour un nouveau segment de clientèle - cette population auparavant complètement exclue du luxe dans l’histoire et qui doit épargner pour acheter. Plus mass market encore, le déploiement mondial de Zara  et l’accessibilité à tous les défilés sur un simple clic sur style.com ont créé  une génération entière de fashionistas sans presque aucune ségrégation de pouvoir d’achat.

La mode qui jusqu'alors était réservée à une élite très disciplinée est soudainement devenue "accessible" et des jeunes  filles de 18 ans à Hanovre en Allemagne pouvaient indiquer sur leur CV : intérêts - la mode, lecture - Grazia. 

Il s’ensuit une histoire désormais rabâchée à plaisir : surconsommation frénétique de vêtements dont nous n’avons pas toujours besoin, pollution accélérée engendrée par secteur, conditions de travail qui rendent impossible la moindre justification morale. Tout cela pour aboutir à un grand doute chaque matin dans le métro : toutes ces "fashionistas" sont-elles vraiment tellement si bien habillées ?


Dans les années 2010 a émergé en douceur un début de questionnement, de l’ordre du raisonnement intellectuel et de la mauvaise conscience morale : est-ce que nous pouvons encore approuver encore ce système ? Est-ce que nous devrions tout changer ? Mais les chiffres le montrent, dans les faits, rien ne change, les revenus de la fast-fashion explosent, et comme les salaires chinois tendent à monter implacablement, la délocalisation continue et se tourne vers de nouveaux territoires, toujours plus pauvres, avec l’Afrique en ligne de mire.

La green fashion se heurte à un écueil majeur pour beaucoup de consommateurs : c’est trop cher - et oui, c’est difficile de battre les prix du Bangladesh. Et avant tout, l’acte d’achat doit être un moment de plaisir, souvent futile et surtout inutile. La mise en branle du moindre raisonnement rationnel doit être évitée à tout prix, sinon c’est la justification même de l’achat qui risque d’être remise en question. Parce que si on est honnête, le meilleur moyen de ne pas polluer c’est de ne pas consommer, et le risque de sortir nu dans la rue en absence de nouveaux achats est finalement infinitésimal pour la plupart d’entre nous.

Dans la deuxième moitié de la décennie se fait jour un nouveau phénomène : les hipsters. 

Son impact restera limité sur la mode, mais sera essentiel sur la consommation alimentaire - je suis ce que je mange, je veux optimiser mon corps, ma performance et mon plaisir. Conséquence, le bio, le vegan explosent. Pour sauver les animaux ? Non plutôt par intérêt égoïste pour prendre soin de soi.

Une question se pose alors : ce mécanisme de focalisation légèrement narcissique sur le plaisir personnel et d’intérêt approfondi pour le produit, pourrait-il constituer une voie de sortie envisageable pour le secteur de la mode ?

C’était la question lors du deuxième zoom entrepreneur de l’IFM Alumni, auquel a notamment participé Alexandre Blanc, créateur de prêt-à-porter féminin avec une vision très douce et pleine d’amour pour l’objet vêtement. 

Porter une pièce de vêtement avec plaisir dans la durée, chercher soigneusement et trouver la coupe qui  s'accorde avec exactitude au  corps, découvrir le luxe du semi-sur-mesure et se valoriser par son habit sont des sujets qui sont revenus avec insistance pendant la discussion. 

Et par voie de conséquence, le choix raisonné de matières dont le toucher apporte un véritable plaisir pourrait devenir un vrai argument contre les pacotilles immédiatement jetables. Pour moins de polyester et plus de cachemire ?

La question du lien avec le consommateur est un autre sujet qui a suscité le débat. Les grandes marques essaient de créer un dialogue de plus en plus intime à travers de WeChat ou WhatsApp, mais c’est un domaine où les petites marques ont naturellement plus de facilité. Celles-ci entretiennent la proximité avec les consommateurs de façon beaucoup plus naturelle et immédiate.

La première vague du développement durable dans la mode tenait surtout à une prise de conscience et une approche plus rationnelle (avec quelques excès de greenwashing).

Le retour au produit pourrait constituer une étape supplémentaire vers une modification des comportements. Un consommateur plus attentif au produit pourrait aussi être un consommateur qui achète moins, avec des conséquences structurelles sur les équilibres économiques de l’industrie.

Et au final, est-ce que nous allons consommer moins mais mieux et surtout avec plus de plaisir?

La prédiction est toujours un exercice difficile, mais dans le sujet de l’inflexion vers une mode responsable l’est peut-être plus qu’à l’ordinaire. On voit bien que les acteurs institutionnels, associatifs, et économiques de toutes tailles cherchent, tentent, expérimentent, mais surtout tâtonnent. Par contre le ressenti était partagé par tous les participants, ce qui ouvre sans doute de nouvelles voies, en donnant plus de poids au créateur, au produit et aux matières….. et on peut même entrevoir qu’une telle évolution fera briller les valeurs fondamentales défendues depuis ses origines par l’Institut Français de la Mode.


Anne Fuhrhop 


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