Entre Paris et Bruxelles, une fille et un garçon sont décidés à nous faire porter des cagoules en hiver et peut-être même l’été. De l’extérieur, Eve Herry a le profil de la créative et Nicolas Frament celui de l’entrepreneur. Mais celle qui se rêvait freelance se découvre entrepreneure et celui qui n’avait pas une grande curiosité pour le textile est devenu intarissable sur la laine. Il n’est pas étonnant que ces têtes bien faites aient choisi la cagoule comme accessoire préféré.
Dans mon salon se tient une étrange réunion. Eve me montre un des premiers prototypes de cagoule en jacquard zébré qu’elle a développé avec son associé Nicolas présent en vidéo depuis Bruxelles. La veille de notre rencontre, je voyais Justin Bieber cagoulé donner un concert pour le Met Gala. La « balaclava » en anglais adoubée par les stars de pop culture ? De Miu Miu à Helmstedt en passant par Zara et maintenant Brak, la cagoule déboule.
Braquage à la belge
« Je sais que beaucoup d’enfants ont été traumatisés par les cagoules mais ce n’est pas mon cas. Au contraire, la cagoule pour moi était comme un heaume de chevalier. Je me sentais au chaud et protégé » déclare d’emblée Nicolas. Ce diplômé de l’IÉSEG en entrepreneuriat et innovation qui a grandi à Bruxelles n’imaginait pas sa vie autrement qu’en créant sa propre aventure. Lorsqu’Eve qu’il connaît depuis le lycée français lui parle de son projet de cagoule, Nicolas est immédiatement séduit tant elle est convaincue par son idée. Passée par Penninghen et Strate puis diplômée de l’Institut Français de la Mode en Master of Arts in Fashion Design en majeure Image, Ève avoue n’avoir jamais pensé à créer sa boîte. « Au départ, je voulais juste créer une cagoule pour moi. Celles que je trouvais étaient trop chères ou abordables mais dans des matières que je n’aimais pas. Petit à petit, l’idée a germé dans ma tête de relancer ce produit sous-évalué, pourtant tellement utile. » Parmi leurs nombreuses options de noms, « Brak » retient leur attention. Un nom court, efficace et directement inspiré du stéréotype des braqueurs aux cagoules forcément noires. Ève et Nicolas sont décidés à casser la baraque de la mode avec humour et en couleurs. « Pour me lancer dans l’entrepreneuriat, je me suis demandé ce qui m’empêchait de le faire. La peur de ne pas réussir ? le regard des autres ? Quand nos amis ont vu nos cagoules et notre compte Instagram, je les ai vus changer d’avis et c’était déjà une première victoire » confie Eve. Les deux amis investissent une partie de leurs économies dans Brak et continuent à travailler en parallèle. Eve notamment passionnée par la photographie, la vidéo, la scénographie, cultive ce côté touche-à-tout.
Poil à gratter ?
Eve reconnaît « la cagoule présente plusieurs problématiques. Ce n’est pas un accessoire que tout le monde pense pouvoir porter. Les gens imaginent toujours que ça gratte. Et enfin, ils ont peur d’avoir une tête bizarre. » Loin d’être découragés par ces préjugés, Eve et Nicolas sont convaincus que l’accessoire peut devenir aussi courant qu’un bonnet. En choisissant une matière naturelle, une laine mérinos sourcée en Italie, ils font la promesse d’un accessoire qui ne tient ni trop chaud ni pas assez. Cette matière autorégulatrice permet de porter la cagoule plus longtemps que 3 mois dans l’année. « Grâce à la laine mérinos extra fine, douce et avec une certaine élasticité, nous voulons chasser les a priori et montrer que la cagoule est agréable à porter. » Leur modèle taille unique existe en 2 versions, la première est classique, la seconde a un twist pour les cheveux longs ; une ouverture au-dessus de la nuque pour laisser passer la queue de cheval. Pour la fabrication, ils ont trouvé un atelier près de Lyon. Les étiquettes viennent du Royaume-Uni et la broderie finale est effectuée à Bruxelles. Sur leur eshop, ces cagoules circuit court sont vendues 95 euros. Eveet Nicolas préfèrent que les cagoules plaisent pour leur design et leur matière plutôt que de faire de leur système de production européen un argument de vente.
À deux têtes
Si Eve a dessiné le premier modèle, elle a également fait appel à des amies pour peaufiner le patron ou apprendre les bases de la maille du tricot. Le logo quant à lui est l’œuvre d’une autre amie diplômée de l’IFM Louise Cirou. « Eve a su s’appuyer sur son réseau IFM et nous avons rencontré beaucoup de personnes qui ont pu nous aider. C’est ce qui est passionnant avec cette aventure, nous montons en compétences au fil de nos rencontres » s’enthousiasme Nicolas. Pour leur dernier shooting intitulé « Brak Tour », ils ont imaginé une fausse sortie de classe à Montmartre en faisant appel à leurs ami·e·s. Ces braqueuses et braqueurs portent toutes les couleurs de l’arc-en-ciel Brak que l’on retrouve sur leur eshop : electric blue, green light, pink cadillac, white heat…Dans toutes leurs images et vidéos, ils aiment jouer avec l’absurde, avec le décalage. Sur leur compte Instagram, la cagoule orne des visages aux cous XXL, se porte associée avec un maillot de bain, ou s’incruste dans des tableaux comme sur le visage de La Jeune Fille à la Perle. Un univers à la direction artistique singulière qui ressemble au duo. « Nous fonctionnons au dernier mot. Eve a le dernier mot pour la partie créative et moi pour la partie business. Mais le plus intéressant est de pouvoir échanger, c’est de cette manière que nous avons les meilleures idées. »
Génération Brak
Quand ils imaginent le futur de Brak, Eve et Nicolas ont mille projets. Des shootings toujours plus décalés, des collaborations avec des artistes autour de la cagoule avec l’envie profonde de démocratiser cet accessoire, ou encore de faire appel à un profil de fashion designer pour pousser plus loin leur produit. En attendant, aussi pudiques l’un que l’autre sur Instagram, ils veulent que toute la lumière soit sur leur accessoire qui cache et dévoile en même temps. Après un premier pop-up en octobre à Paris, ils savent que c’est en faisant essayer leurs cagoules qu’ils arriveront à séduire les plus frileuses et les plus frileux. Brak, une marque cool, audacieuse, aux cagoules de qualité avec une certaine autodérision, voilà comment Eve et Nicolas voudraient que leur marque soit définie. « J’aime l’idée que notre cagoule soit comme un rayon de soleil dans la grisaille de l’hiver. Que les gens sourient, qu’ils soient fiers de la porter ! » conclut Nicolas. À l’image du rappeur belge Roméo Elvis, un des premiers convaincus. La génération « Brak » est en marche, prête à braquer l’industrie de la mode en douceur.
Galerie d'images1
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés