JULIETTE DAVID, LA PROPHÉTIE DE BARBE AND CIE
Diplômée du Mastère Management de la Mode et du Luxe à l’IFM en 2019, Laure Tarneaud part à la rencontre, tous les mois, d’entrepreneurs.euses formé.es à l’IFM.
Pour le premier portrait de cette nouvelle série, Juliette David (Mastère Management de la Mode et du Luxe de l’IFM 2016) raconte comment elle a décidé de relancer Barbe and Cie, une marque créée par ses arrière-grands-parents. Juliette cherche aujourd’hui un.e associé.e business pour l’accompagner dans son projet. Portrait d’une jeune entrepreneuse inspirée.
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Nul n’est prophète en son pays. Depuis Paris, Juliette David a décidé de relancer Barbe and Cie, l’entreprise de confection co-créée par ses arrière-grands-parents à Toulouse en 1935 qui ferma ses portes en 1981. Quarante ans presque jour pour jour après le baisser de rideau, faute de repreneurs, cette arrière-petite-fille volontaire veut réveiller une belle endormie.
Vêtue de son premier modèle, une robe de crêpe de satin polyester noire, Juliette David passe le pas de ma porte. Elle qui m’assure « n’avoir jamais aimé les robes » a pourtant choisi cette pièce pour le réveil de Barbe and Cie en 2021. À son bras, un tote-bag rempli de robes estampillées « Virginie Barbe » du nom de son arrière-grand-mère couturière et styliste. L’histoire et les années qui séparent ces créations sont incarnées par Juliette qui, la voix assurée, vient me conter comment elle n’a pu échapper à son destin lié à Barbe and Cie.
La légende familiale
Enfant, Juliette préfère son abonnement à ELLE et habiller sa maman plutôt que ses poupées. Mais surtout elle est bercée par les récits de ses tantes sur « Baronie », du nom de la très chic rue de Toulouse, où Marius et Virginie Barbe avaient acheté un hôtel particulier pour leur atelier Barbe and Cie. « Elles me parlaient de Manou, leur grand-mère, qui prenait des mesures sur ses clientes, qui dessinait des robes. J’ai grandi avec une espèce de fantasme de cette histoire que je n’ai pas connue. » La légende devient réalité lorsque, âgée d’une douzaine d’années, Juliette découvre dans la maison familiale une pièce cachée, un grenier de 6m2, sorte d’atelier miniature de la splendeur disparue de Barbe and Cie. Sur les étagères, des rouleaux de tissus en parfait état, de la laine, des soies lyonnaises et des dentelles de Calais. Sur un mannequin Stockman, une robe imprimée japonisante comme dans l’attente d’une cliente. Pour avoir passé tous mes étés enfermée dans le grenier chez mes grands-parents, avec mes cousins pour jouer, ou seule à la recherche de trésors, et en tant que fétichiste des malles, je peux imaginer l’émotion que Juliette a ressentie. « Je me souviens être redescendue du grenier avec des pans de tissus que j’avais découpés en disant “ mais pourquoi personne ne m’a rien dit ? ” À ce moment-là, je me suis fait la promesse que je ne laisserais pas cette histoire endormie s’éteindre complètement. » Elle ne quittera plus le petit carnet noir retrouvé dans lequel Virginie Barbe dessinait ses croquis, sorte de talisman prophétique.
Une certaine idée fixe
À 18 ans, Juliette est décidée à intégrer une école de stylisme pour marcher dans les pas de cette arrière-grand-mère qui, au même âge, avait fini sa formation de couturière à Tarbes et épousait Marius. Dans une famille qui a délaissé la couture pour des carrières dans le droit et la médecine, Juliette intègre finalement l’ISG (International Business School) avec comme objectif d’enchaîner avec le mastère management à l’IFM (Institut français de la mode) : « Je suis un peu l’ovni de ma famille, finalement je suis la seule à avoir un vrai intérêt pour la mode. » À son oral à l’IFM, c’est en racontant l’histoire familiale que Juliette a convaincu le jury « Je me vois encore refermer la porte derrière moi et avoir l’impression de voler. Je sentais que j’avais trouvé ma place. » Vendeuse tous les étés, stages en stylisme chez Sandro et en production chez Maje (Groupe SMCP), stage de fin d’études post-IFM et CDI comme personal shopper au Printemps et enfin cheffe de projet Mode Asie dans le cabinet de conseil parisien Nelly Rodi, Juliette l’assure : « tous mes choix, je les ai faits pour arriver là où je suis aujourd’hui : réveiller Barbe and Cie. » Après une rupture conventionnelle et alors que le monde découvre le Coronavirus, Juliette s’installe à Toulouse se sentant prête à faire face à son destin.
Une histoire de femmes
Pendant des heures, la grand-mère de Juliette lui raconte inlassablement « Baronie », l’ambiance de cet atelier et ses 250 couturières, la musique des machines à coudre Singer, le département flou, les tailleurs, les manteaux et le département de ventes de tissus. Elle lui raconte encore comme ses parents originaires du petit village de Sentenac en Ariège « partis de rien » sont devenus le couple préféré de la bourgeoisie toulousaine. Barbe and Cie donc « c’est une histoire de femmes : Virginie a eu une fille et a perdu deux enfants. Ma grand-mère a eu trois filles, elles-mêmes ont eu des filles, mes cousines que je considère comme mes sœurs. » En même temps que Juliette enquête sur son histoire familiale, elle prend des notes sur son rapport à la mode : « Grâce à mon expérience je sais ce qui va aux gens, et je pense savoir quels sont les intemporels. J’ai toujours rêvé d’avoir une robe qui s’enfile comme un t-shirt sans zip ni boutons et qui se porte avec tout. Je dessine alors cette robe très simple et je l’imagine déclinable en version mini-midi-maxi et débardeur, manches courtes ou manches longues. Cette robe, je me prends à l’imaginer dans toutes les couleurs, toutes les matières, tous les imprimés. » En 2020, Juliette peut enfin annoncer à son mentor Elie Kouby, l’ancien directeur général de Comptoir des Cotonniers et SMCP et co-fondateur d’Experienced Capital, qu’elle se « lance. »
Des années de réflexion, 1 an de développement
Le 19 avril 2021, Juliette lance sa campagne de crowdfunding sur la plateforme Ulule. Elle démonte une robe achetée en Chine pour voir ce qu’elle aime et ce qu’elle aime moins, appelle à la rescousse une cousine couturière du côté paternel, formée au Studio Berçot, pour créer une robe intemporelle, portable en toutes saisons. Elle choisit un crêpe satiné polyester acheté en France pour « un toucher frais à l’intérieur, une vraie fluidité et un côté mat à l’extérieur. » Aujourd’hui, la robe Marguerite est accessible en pré-commande en noir, bleu marine ou rouge corail du 34 au 42, sans manches ou manches longues. La confection se fera dans un atelier à Pantin. Du Barbe and Cie d’origine, Juliette a gardé le nom, le logo bleu Klein et une certaine ténacité. Demain, Juliette espère développer d’autres essentiels comme les pétales d’une marguerite : le chemisier, la veste, la jupe, le pantalon. Plus tard, elle rêve d’avoir son propre tissu logotypé Barbe and Cie pour que ses clientes personnalisent les essentiels avec le tissu de leur choix. Et pourquoi pas un jour, proposer à des marques invitées de collaborer avec Barbe and Cie pour mêler créativité et création, comme Heimstone avec ses « imprimés fous. »
Renaître et transmettre
Lorsque je demande à Juliette son plus beau moment en tant que jeune cheffe d’entreprise, elle n’hésite pas une seconde : « la meilleure chose qui m’arrive depuis un an c’est de retrouver des robes de mon arrière-grand-mère, il n’y a pas de plus grande émotion pour moi que de retrouver ces robes, ces histoires. » Et quand elle me dévoile le contenu de son sac, j’ai l’impression de plonger avec elle dans le passé familial. La fameuse robe blanche ceinturée au motif un peu japonais qui dormait dans le grenier retient mon attention. Juliette souhaiterait aussi lancer une ligne réédition des modèles vintage inspirés de Virginie. En attendant, elle chine sur Vinted, la plateforme de seconde-main, tous les modèles qu’elle peut trouver comme cette robe envoyée d’Italie qu’une femme avait achetée dans une friperie…à Barcelone. Le fil rouge que Juliette tisse est autant celui d’une renaissance que d’une histoire de transmission. Transmettre l’histoire de Virginie et Marius mais aussi transmettre l’histoire de fabrication d’un vêtement. Comme ses arrière-grands-parents avant elle qui recrutaient de jeunes couturi.ères, Juliette souhaiterait collaborer avec des étudiants en école de couture près de Toulouse pour mettre en avant leur talent. « Je ne peux pas dire que je suis couturière, si mon arrière-grand-mère m’entendait elle se retournerait dans sa tombe. Je veux montrer à ma clientèle tout le travail qui existe derrière le vêtement et repenser localement le métier de prêt-à-porter. »
Pour réaliser tous ses rêves, Juliette garde les pieds sur terre : « Je suis consciente que seule je n’y arriverai pas. Je pense avoir des idées, une histoire à raconter, un produit à vendre, et ce serait trop dommage de se planter. Je lance un appel à témoin pour trouver un.e associé.e business. » Avis aux intéressé.es et longue deuxième vie à Barbe and Cie !
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