Le chiffre 2 porte bonheur à Zoé Aveline. 2 comme 32 ans pour cette cheffe d’entreprise après 7 années au Slip Français. 2 comme un duo féminin, car TOMO Clothing est une marque co-fondée par Zoé et Céline Jeandel. 2 comme 2 roues pour ces accrocs de moto qui veulent réinventer les vêtements enfin cools et protecteurs pour celles et ceux qui se déplacent à toute allure.
Avant d’arriver chez Zoé, j’ai regardé Édith Piaf interpréter « l’homme à la moto » dans une vidéo INA. Ces femmes-là ont un je-ne-sais-quoi en commun, une flamme dans les yeux. Si l’une s’exprimait sur scène, celle que j’ai face à moi compte bien occuper une scène mode étrangement désertée : celle des vêtements techniques qui oublient d’être laids sans oublier d’assurer la sécurité. Chaussée de boots et d’une combinaison blanche de garagiste, cette « femme à la moto » maîtrise l’art de la conversation, bien que ce soit sa première interview. Autour d’un café, Zoé a accepté de me confier comment, avec son associée, elles ont pris la route de l’entrepreneuriat.
Moto en verlan, ami en japonais
Leur marque aurait pu s’appeler « Tom », un prénom court et masculin. Avec TOMO Clothing, Zoé et Céline souhaitent proposer des vêtements qui existent déjà pour les hommes depuis longtemps, leur fameuse frustration de départ. C’est en garant sa moto, que Zoé eu l’idée du nom TOMO en lisant le marqueur blanc à l’envers dans une rue parisienne. « Quand deux filles se rencontrent et que les deux aiment la moto ce n’est pas banal. On était toutes les deux très excitées de savoir qu’on partageait cette passion. Si mon père m’a appris à faire de la moto, je me sentais quand même un peu seule dans mon délire et Céline aussi. » En discutant, elles se rendent compte que ni l’une ni l’autre n’est vraiment bien équipée pour ce moyen de locomotion. « Je conduisais ma moto comme dans les années 1970, limite en short, alors que Céline, elle, était suréquipée mais mal-équipée avec des vêtements qui ne lui ressemblaient pas. » En février 2020, Zoé quitte son poste au Slip Français et Céline son poste de conseil en stratégie d’entreprise. De vêtements pensés à l’origine pour les femmes à moto, elles élargissent vite leur offre à tous les déplacements à deux roues. L’année 2020 est une année de benchmark à ciel ouvert pendant laquelle, entre deux confinements, elles observent les filles à vélo. Le constat est édifiant : soit les femmes portent des vêtements mode mais qui n’offrent pas de protection, soit elles choisissent des vêtements techniques et imperméables sans aucun aspect créatif. Les deux associées, devenues amies, une raison de plus d’appeler leur marque TOMO qui signifie « ami » en japonais, décident de révolutionner l’équipement citadin des passionné·e·s de vélo, de scooter ou de moto.
Mode fonctionnalité activé
Zoé a toujours aimé les vêtements masculins, les grandes poches sur les vestes et pantalons d’hommes la font rêver. Pour cette féministe convaincue, TOMO est aussi sa manière de participer à l’égalité en proposant des vêtements pratiques et pas étriqués qui libèrent le corps des femmes. Elle se réjouit de voir ses amis acheter des pièces TOMO et de voir les hommes piocher dans le vestiaire féminin. « Il y a encore trop peu de femmes qui se déplacent à deux roues soit parce qu’elles ont peur pour leur sécurité, soit qu’elles redoutent le machisme sur les routes. Nous avons une vraie mission. » TOMO a pour objectif d’offrir des vêtements cools et fonctionnels qu’il pleuve ou qu’il vente à « mi-chemin entre Sandro et Decathlon. » Pour la première collection, accessible en pré-commande, Zoé et Céline ont imaginé 3 pièces : une parka à 360 euros, une doudoune pour 140 euros et une cape de pluie à 160 euros. Avec des matières techniques et anti-abrasives, des membranes internes waterproof, des bandes réfléchissantes, des protections pour épaules, coudes et dos, cette collection met l’accent sur la sécurité. Le Salon Première Vision, Internet et le bouche à oreille leur permettent de trouver leurs fournisseurs. Pour la fabrication, c’est en voiture et équipées d’une carte qu’elles ont fait le tour des usines portugaises. La prochaine collection offrira une gamme plus large avec manteau d’hiver waterproof, cape et veste longue de pluie, pantalon de pluie mais aussi des accessoires. Pour développer les futures pièces, Zoé a fait appel à un ancien de chez Aigle afin de pousser le curseur mode et technique plus loin. Tous leurs tissus viennent d’Europe, les protections viennent d’Allemagne et si la fabrication se fait aujourd’hui en Roumanie, Zoé et Céline rêvent également d’une fabrication sur le long terme en France.
La recherche
Après ses études à l’IESEG et un stage de fin d’études au Pérou dans le surfwear, Zoé est un peu perdue. Seule fille de sa fratrie, celle qui a toujours aimé le sport rêve d’être embauchée chez Quicksilver pour faire du marketing sans vraiment savoir ce que cela signifie. Un peu par hasard, elle postule au Mastère Management de la Mode et du Luxe à l’IFM (Institut Français de la Mode), trois jours avant la clôture des inscriptions. « Je n’avais pas envie de retourner à l’école mais je ne savais vraiment pas quoi faire d’autre. Et j’ai adoré mon année qui a été une vraie révélation scolaire et professionnelle. J’avais l’impression d’être à ma place et d’apprendre des choses non pas qui me serviraient peut-être un jour mais qui allaient me servir maintenant. Cela a conforté mon envie de travailler dans le textile en visitant des usines. » Travailler sur des cas concrets pour des marques est ce qui plaît le plus à Zoé. La formule magique de l’IFM, faire travailler toute l’année ses étudiant·e·s en groupe, est un déclic. « À l’IFM, j’ai rencontré des gens que je n’aurais pas rencontrés ailleurs. Je suis devenue très amie avec des élèves boursièr·e·s avec des parcours à l’opposé du mien, moi qui suis parisienne d’un milieu plutôt aisé avec un parcours classique d’école de commerce. Grâce à l’IFM j’ai appris à m’adapter, à travailler vite et à écouter les autres. Travailler en groupe est pour moi devenu indispensable. » Elle fait le pari audacieux de faire son stage de fin d’études au Slip français, une start-up alors inconnue. En 7 ans, elle aura l’occasion d’être couteau suisse et de passer d’une start-up de 3 à 120 personnes. Elle y apprend surtout à concilier les besoins créatifs et les besoins commerciaux de la marque et à trouver le consensus entre toutes les personnes impliquées. « J’aime travailler en groupe et j’ai toujours su que si je montais une boîte un jour ce serait avec quelqu’un de structuré et de structurant. »
À nous deux !
Quand Zoé quitte son job au Slip français, la transition vers l’entrepreneuriat même avec une associée n’est pas évidente. Son incroyable expérience au Slip l’a laissée exsangue, « je n’avais plus beaucoup de jus » et une offre chez Hermès la fait douter de la voie qu’elle souhaite emprunter. Un voyage lui permet de se reposer pour réaliser que s’investir dans TOMO à 100% est la bonne décision. En septembre 2020, Zoé et Céline créent leur structure. Pour limiter les risques financiers, elles gardent une partie consulting qui accompagne des marques dans leur développement d’une fabrication française. « Je pensais tout connaître de la start-up mais j’ai vite réalisé que ce n’était pas le cas. J’en ris aujourd’hui avec Guillaume Gibault ! [Fondateur du Slip français] » Entre le sourcing des matières et la recherche des bons fabricants, créer TOMO est un nouveau parcours d’apprentissage. Sur le papier, Céline s’occupe de la partie financière, du développement commercial, des opérations et de l’admininistratif tandis que Zoé gère la partie produits, image de marque, communication. En réalité, elles font presque tout à deux. « De notre couleur de cheveu à notre éducation, nous sommes diamétralement opposées. Tu es le miroir de l’autre, tu peux te relayer quand l’autre stresse, cela permet d’équilibrer. »
Si Zoé et Céline ne sont qu’au début de leur aventure, elles ont bien l’intention de vous voir rouler en TOMO dès septembre, date de livraison des premières commandes. Quand je lui demande quel sujet l’inquiète, c’est dans un éclat de rire que Zoé confie : « il y a un autre sujet, celui de l’incarnation de la marque, une des clés du succès aujourd’hui. Je suis plutôt extravertie, j’aime faire rire, mais quand tu fais ton premier selfie pour ta marque c’est l’enfer ! Tu te fous à poil ! » Enfilez votre casque, n’oubliez pas votre masque et allez voir comment TOMO vous habillera cet automne !
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